La littérature germanique de la fin du XVIIIè siècle relate
un certain nombre de légendes dont Goethe, parmi d’autres, se fit l’interprète.
L’exemple de Das Märchen reprend en
1795 le thème du Serpent superbement évoqué quelques années plus tôt (1791)
dans la Flûte enchantée. Mythique, le fond des textes
précurseurs marque une époque qui puise, notamment dans l’Antiquité égyptienne,
des images paradoxalement associées à l’orbe des Lumières.
Oberon de Wieland,
Lulu oder die Zauberflöte de Liebeskind, Hüon und Amanda de Friederike Sophie Hensel-Seyler,
Kaspar, der Fagottist, oder: Die
Zauberzither de Joachim Perinet : autant d’exemples qui jalonnent la
composition de l’opéra de Mozart. Celui-ci habilla musicalement, d’une manière
subtilement codée, les arrangements de ses trois acolytes : Ludwig
Giesecke, Emanuel Schikaneder et Ignaz von Born. Ils avaient abondamment puisé
dans les thèmes de spectacles alors goûtés du public, travestissant un fond
plus grave et plus austère. L’Art royal transparaît, souvent déformé
volontairement. Le propos, tant du livret que de la partition, est clairement
évocateur d’un rite et d’une Tradition. « Invocation » pourrions-nous
dire, qui correspond à un jeu de miroirs. Il rend cet opéra tout à la fois
contrefacteur et victime de sa propre contrefaçon. Incompris par les uns, il
laisse affleurer, entre les lignes d’une partition riche en modulations tonales
expressives, des concepts assez clairement interprétés par d’autres.
Abklatsch, Abbild d’un Urbild, entre
historiette et image d’une Tradition, la Zauberflöte
ne laisse pas d’étonner. L’analyse que nous proposerions voudrait contribuer à
l’élucidation de cette œuvre émaillée de reflets, dont l’aspect séducteur
altère, volontairement ou non, la perception. Ignorance, préjugés, conformisme,
tendance paresseuse à l’association d’idées : autant de dérivations du
modèle, autant d’imitations déroutantes et d’obstacles, au détour desquels
Tamino se faufile.